S’installer dans notre nouvelle vie à Cotonou

Quatre mois d’anticipation. Quatre mois intenses de listes de choses à faire avant le départ (incluant l’obtention d’une union civile pour que notre relation soit reconnue légalement), suivies d’un mois à vivre dans un hôtel à La Haye, en essayant de voir tout le monde pour dire nos aurevoirs avant de partir. Nous avions quitté notre appartement bien-aimé à Amsterdam à la fin juillet, car nos meubles devaient être envoyés vers l’Afrique dans un conteneur par bateau. C’était donc le début d’une période à vivre dans nos valises, qui allait durer bien plus longtemps que prévu…

À la fin du mois d’août, on a finalement pris l’avion vers notre plus grande aventure jusqu’à présent. Bien sûr, j’avais déjà vécu et travaillé à l’étranger auparavant, mais ça avait toujours été pour des périodes plus courtes. Même notre chapitre de vie à Amsterdam aura seulement duré 1.5 ans finalement. Cette fois, l’idée de signer un contrat de 2 ou 3 ans pour aller vivre dans un pays où nous n’étions jamais allés était autant excitante qu’apeurante. Au moins, Daniel et moi savions que nous pouvions compter l’un sur l’autre et c’était rassurant.

L’arrivée à Cotonou

En arrivant à l’aéroport, la nouvelle Ambassadrice adjointe, qui venait d’arriver à Cotonou un mois plus tôt, ainsi que la Gérante des opérations, qui vivait déjà ici depuis 3 ans, nous attendaient. Leur accueil était tellement chaleureux, c’était touchant. Elles nous ont amenés à l’hôtel où nous séjournerions jusqu’à ce qu’on trouve notre nouvelle maison. À l’hôtel, nous avons aussi rencontré l’Ambassadrice, qui quittait son poste pour prendre sa retraite la semaine suivante. J’étais un peu stressée de rencontrer les nouveaux collègues de Daniel directement en arrivant, mais tout le monde m’a fait sentir très à l’aise.

Tout comme je m’étais sentie dans les autres pays dans lesquels j’ai vécu, c’était un peu intense au début. Cette fois-ci, c’était aussi un peu différent, car j’étais seulement la +1 qui accompagnait la nouvelle recrue de l’ambassade. Dans notre chambre d’hôtel, une carte de bienvenue nous attendait, adressée à « Daniel & Marie-Eline »… Disons que ce n’est pas le meilleur feeling quand ils ne savent même pas ton nom. À ce moment, j’espérais seulement que ça ne serait pas représentatif du reste de nos affectations à l’étranger. Heureusement, j’ai été rapidement rassurée, car l’ambassade s’est assurée que les conjoints et conjointes des diplomates se sentent inclus dans cette expérience, ce que j’ai grandement apprécié. Le lendemain matin, Daniel devait déjà se rendre au bureau pour commencer à travailler et alors commençais ma nouvelle expérience de conjointe-à-l’hôtel.

Créer un cercle social

Peu de temps après notre arrivée, le nouvel Ambassadeur est arrivé avec sa femme, qui m’a rapidement prise sous son aile pour m’aider à me sentir confortable dans cette nouvelle vie. Avec plus de 20 ans d’expérience à suivre son mari dans différentes affectations diplomatiques à l’étranger, j’étais reconnaissante de pouvoir apprendre d’elle et d’avoir une première amie ici. Dans les premières semaines, on était tellement inséparables que les gens pensaient qu’on était mère et fille (on se le fait même encore dire, puisqu’on se ressemble physiquement aussi!) On a joint un club qui s’appelle Cotonou Accueil, qui organise une panoplie d’activités pour les expats, allant de découvertes culturelles aux arts et au sport. Même si c’est ouvert à tous, la plupart des membres sont des femmes âgées d’environ 35 à 60 ans. Je ne suis pas certaine si c’est parce que la majorité des conjoint(e)s qui suivent leur douce moitié à l’étranger sont encore principalement des femmes ou si c’est parce que les activités proposées intéressent peut-être moins les hommes, mais, dans tous les cas, c’est une atmosphère très féminine qui règne. J’ai donc commencé à faire de l’aquagym deux fois par semaine avec mes nouvelles copines, ce qui m’a permis de commencer à me faire un cercle social et de sortir de ma chambre d’hôtel. Même si je suis la plus jeune (et seule Québécoise!) du groupe, tout le monde m’a fait sentir la bienvenue, ce qui m’a vite donné un sentiment d’appartenance. Certaines femmes vivent déjà au Bénin depuis plusieurs années, d’autres venaient d’arriver comme moi. C’était la combinaison parfaite d’être comprise par celles qui étaient dans la même situation que moi et qui faisaient face à des défis similaires, et pouvoir bénéficier des conseils de celles qui avaient déjà acquis plus d’expérience ici. Le club m’a aussi permis de participer à des expériences culturelles et de commencer à découvrir mon nouveau pays d’accueil.

Acheter une voiture

Pendant que Daniel était au travail, c’était à moi que revenait la tâche de nous trouver une maison et une auto. Au Bénin, c’est difficile de se promener sans véhicule. Il fallait donc investir dans une voiture pour pouvoir profiter de notre expérience ici (et se rendre la vie plus facile!). Notre première idée était d’acheter la voiture d’un diplomate qui quittait le Bénin, puisqu’elle serait probablement en bon état et aurait déjà la plaque d’immatriculation diplomatique. Cependant, étant arrivés à Cotonou à la fin de l’été, tout le monde était déjà parti et il ne restait plus d’autos à vendre. C’est comme ça qu’on a appris que la plupart des diplomates arrivent dans leur nouveau pays pendant l’été pour permettre à leurs enfants de s’acclimater un peu avant de commencer la nouvelle année scolaire. N’ayant pas encore d’enfants, nous étions arrivés à la fin du mois d’août, ne sachant pas que ça nous désavantagerait.

Il nous restait donc deux options: acheter une voiture d’occasion d’une personne qu’on ne connait pas ou acheter une voiture neuve. Au début, l’idée d’acheter une voiture neuve nous faisait peur, surtout sachant l’était des routes et du traffic au Bénin. Ça faisait peu de sens pour nous d’investir dans une voiture neuve si elle allait être endommagée peu de temps après. J’ai donc commencé à m’instruire sur le marché de voitures usagées au Bénin et j’ai vite réalisé que ce serait très différent de ce à quoi j’étais habituée au Canada. Ici, pour avoir le meilleur deal, il faut acheter la voiture directement au parc automobile proche du port. C’est là que toutes les voitures arrivent de partout dans le monde et sont entreposées jusqu’à temps qu’elles soient achetées. On nous a avisés qu’il n’y avait pas d’avantages à acheter une voiture d’un concessionnaire d’autos d’occasion ici, car ça ne donne aucune garantie de qualité et ne fait que coûter plus cher. Nous sommes donc allés au parc automobile pour voir quelles seraient nos options. Assez rapidement, on a réalisé que la plupart des voitures étaient en mauvais état, même les plus récentes. Sièges déchirés, plafonds tachés, pièces manquantes, ça n’augurait pas bien. N’étant pas mécaniciens, ce n’était pas très rassurant pour nous, car nous ne savions pas ce qui serait un bon achat.

L’expérience de magasinage au parc automobile était cependant amusante. Nous sommes allés avec un vendeur indépendant qui nous avait été recommandé. Nous nous étions rendus au parc avec son chauffeur et, bien sûr, son auto était tombée en panne deux fois en chemin (rassurant!). Quand nous sommes arrivés, on a été surpris par l’immensité du site. En effet, le parc automobile de Cotonou couvre plus de 140 hectares et est le plus gros en Afrique de l’Ouest. C’est impressionnant à voir! Pour chaque voiture, il y avait de 5 à 7 hommes autour de nous: un qui avait les clés de l’auto, un qui avait la batterie pour la faire fonctionner, un qui vendait de l’eau, un qui était le vendeur de la section du parc, etc. Tout le monde avait une tâche précise. Si j’avais une question, je recevais 5 réponses différentes. Peu importe où dans le monde, je suis toujours sur mes gardes avec les vendeurs, parce que j’ai toujours peur qu’on me dise seulement ce que je veux entendre pour vendre à tout prix. J’ai donc posé des questions pièges pour tester s’ils disaient la vérité et, comme je craignais, personne n’était honnête. Ça n’augurait vraiment pas bien. Cerise sur le top du sundae? Ils y avait toujours des hommes qui sortaient de nul part pour prendre des photos de moi ou qui sautaient devant moi pour prendre une selfie avec moi. J’avais déjà eu cette expérience en Inde, mais ça me rend toujours énormément inconfortable, peu importe le pays.

Après des heures au soleil, nous pensions avoir trouvé quelque chose qui nous plaisait. Bien sûr, pendant tout le processus, les prix ne sont jamais communiqués tout de suite. J’imagine qu’ils estiment à quel point tu es intéressée pour ajuster le prix en conséquence. Pour connaître le prix de la voiture que nous avions sélectionnée, la petite troupe nous guida vers une tour en bois qui surplombait le parc. On a donc monté les escaliers chambranlants jusqu’au sommet où était assis un Libanais dans son fauteuil en velours, fumant un cigar (beaucoup de Libanais ont immigré au Bénin et sont réputés pour être des hommes d’affaires tenaces ici). C’était une scène qui sortait tout droit d’un film. Nous nous sommes assis sur les petites chaises en bois face à cet homme imposant et avons timidement demandé le prix. Bien sûr, c’était moi qui parlait, car le Français de Daniel n’était pas encore assez bon. Regardant droit devant et évitant de croiser mon regard, l’homme m’a donc finalement dit son prix, qui était bien sûr exorbitant. Nous l’avons donc remercié poliment, en sueur, et sommes redescendus de la tour. Nous étions tout sauf confortables.

De retour à l’hôtel, j’ai fait plus de recherches à propos du marché de voitures usagées au Bénin et j’ai découvert que plusieurs voitures que l’on trouve ici sont en fait volées aux États-Unis ou au Canada (CBC News et National Geographic ont récemment fait des reportages sur le sujet). Pas très rassurant… Daniel et moi commencions à avoir de l’anxiété. Acheter une auto implique une grosse somme d’argent et nous n’étions pas à l’aise. Après beaucoup de réflexion, nous avons donc décidé d’acheter une voiture neuve. Ça allait être plus cher, mais au moins on achèterait la paix d’esprit et la certitude de ne pas contribuer au traffic de voitures. On voulait aussi éviter de faire un mauvais achat et d’avoir à dealer avec des réparations constantes.

Après avoir visité quelques concessionnaires, nous avons finalement opté pour un Hyundai Tucson 2023. Il fallait payer la somme totale en un paiement, ce qui était un peu stressant pour nous. Ça aura pris environ une semaine pour que notre virement international passe et qu’on reçoive une confirmation que notre paiement avait bien été reçu. Je pense que Daniel a dormi environ 4 heures cette semaine-là. Ensuite, il fallait trouver une assurance auto. Après avoir parlé avec plusieurs compagnies (tout est fait en textant sur Whatsapp ici, donc beaucoup moins formel que ce à quoi j’étais habituée), j’ai opté pour l’Africaine des Assurances, puisqu’ils pouvaient aussi nous assurer pour aller au Togo ou au Ghana en auto. Après que le contrat ait été signé et que la somme ait été payée, on a finalement pu appliquer pour notre plaque d’immatriculation diplomatique. J’ai donc regroupé tous les documents et les ai amenés à l’ambassade, puisqu’ils devaient faire la demande pour nous.

Pour vous donner une idée de la longueur du processus, nous avons acheté la voiture le 27 septembre et appliqué pour la plaque diplomatique le 10 octobre. On a finalement eu les clés de l’auto le 15 novembre. Ça aura définitivement testé notre patience…

Comment nous déplacions-nous en attendant vous demanderez? Eh bien, le Bénin a son équivalent local d’Uber, qui s’appelle Gozem, avec une application qui permet de commander un zem (petites motos conduites par des chauffeurs au chandail jaune qu’on voit partout dans les rues) ou une voiture. L’app fonctionne bien la plupart du temps, mais les chauffeurs ne comprennent pas toujours comment l’utiliser correctement. Quand on commande une voiture, il faut mettre sa géolocalisation sur la carte dans l’application pour indiquer au chauffeur où on se trouve, ainsi que la géolocalisation de l’endroit où on veut aller. Mais, au lieu de suivre la carte, le chauffeur nous appelle pour savoir où on est… Donc on explique qu’on est où nous avons indiqué sur la carte. Parfois ils vont se rendre sans problème, parfois ils rappellent pour dire qu’ils sont perdus et qu’ils ont besoin d’aide. Quand ils arrivent enfin, leur première question sera, bien sûr, de demander où on veut aller. Donc il faut répéter qu’on va où on a mis sur la carte. Ça n’a pas d’importance, il faut leur répéter et les aider à naviguer dans la ville. Pour certains, c’est parce qu’ils ne veulent pas utiliser leurs données internet (parce que ça coûte de l’argent!), pour d’autres c’est simplement parce qu’ils ne comprennent pas bien l’application. J’étais cependant parfois chanceuse de tomber sur des chauffeurs qui étaient plus habitués avec la technologie et ça c’était des bonnes journées. Mais bon, on était tout de même vraiment contents d’avoir enfin notre propre voiture pour pouvoir nous déplacer de façon plus indépendante.

Trouver une maison

L’autre chose stressante dont j’avais à m’occuper était de trouver notre nouvelle maison. Daniel devait aller travailler, donc la majeure partie de la tâche me revenait. Premièrement, je devais me faire une idée du marché immobilier à Cotonou. J’ai vite réalisé que ce serait, encore une fois, très différent de ce à quoi j’étais habituée au Canada ou en Europe. Pas un seul site d’agence immobilière avait ses annonces à jour. La plupart ne répondaient pas non plus aux messages. Je me suis donc tournée vers Coin Afrique (l’équivalent local de Craigslist, Kijiji, Marktplaats, etc.) et différents groupes Facebook pour trouver des annonces récentes. En contactant les annonceurs, j’ai réalisé que je ne parlais jamais au propriétaire de la maison ou à un agent immobilier, mais bien à un démarcheur. Ce sont des gens qui travaillent de façon autonome et qui font leur argent en chargeant un frais de visite pour montrer les propriétés dans leur réseau. J’ai fini par texter avec 15 démarcheurs, qui m’envoyaient des annonces (souvent les mêmes, Cotonou n’est pas un gros marché) à toute heure du jour ou de la nuit. La plupart du temps, les photos de la cuisine et salles de bains étaient manquantes, sachant très bien que ce serait un deal breaker. Il fallait donc passer par une longue correspondence avant d’avoir une vraie idée de quoi avait l’air la maison ou l’appartement. Pour une raison que j’ignore, les gens aiment aussi beaucoup prendre des photos en diagonale ici, ce que je trouve particulièrement comique. Puis, lorsque nous allions faire des visites, les démarcheurs nous amenais toujours sournoisement voir d’autres propriétés que nous n’avions pas accepté de voir. Il fallait qu’ils soient celui qui trouve notre maison pour avoir la commission, donc tout était permis. C’était un chaos à gérer.

May be an image of lighting and indoors

Plus je visitais des propriétés, plus je comprenais les standards de vie locaux. Les cuisines ne consistaient la plupart du temps que d’un comptoir avec un évier et des armoires dans le bas, où il est possible de ranger des choses directement sur le plancher. Il y a ensuite la cuisinière dans un autre coin et le frigo à l’autre extrémité. Les salles de bain étaient aussi souvent immenses, avec le lavabo dans un coin, la toilette dans l’autre, la douche dans un autre et la taille d’un plancher de danse au milieu de tout ça. Il fallait aussi s’attendre à des lumières mauves et bleues encastrées dans les plafonds, ce qui est considéré comme un luxe moderne ici, ainsi que des prises de courant à des hauteurs étranges sur les murs et plafonds. J’ai vu des lavabos de salle de bain être utilisés comme éviers de cuisine, des salles de bain avec des installations en or, et des salles d’eau avec une toilette seule au bout d’un long couloir sombre. Il faut le donner aux Béninois cependant, ils sont créatifs!

Le Ministère des affaires étrangères nous avait donné un budget pour notre hébergement, mais nous nous sommes vite rendus compte que ce serait difficile de trouver quelque chose de potable dans le budget. À toutes les quelques années, le ministère mène une recherche sur le marché immobilier local. Par contre, à Cotonou, ils avaient inclus toute la ville, alors que l’ambassade considère seulement 3 quartiers assez sécuritaires pour que nous y habitions. Cotonou se développe également en ce moment à la vitesse de l’éclair depuis que le nouveau président est entré au pouvoir, avec des nouvelles maisons et nouvelles routes qui se construisent, ainsi que des quartiers qui se gentrifient. Donc, croyez-le ou non, les appartements ou maisons qui ont des standards nord américains/européens sont plus chers que dans une ville tel qu’Amsterdam. Donc à tous ceux qui pensent que vivre en Afrique ne coûte pas cher, pensez-y deux fois! Il n’y a pas de classe moyenne telle que nous la connaissons ici, soit on est très pauvre, soit on est incroyablement riche, donc il est difficile de trouver un entre-deux. Bien sûr, le budget qui nous était donné tombait exactement dans cet entre-deux, ce qui rendait la tâche presqu’impossible.

Ce qui nous a aussi surpris, c’est que nous n’étions pas autorisés à ajouter notre argent personnel au budget alloué pour vivre dans la maison que nous désirions. Je comprends parfaitement que ce n’est pas au ministère de payer pour la maison de notre choix, mais je pensais qu’on aurait au moins la liberté de payer nous-mêmes pour. Et bien non, car comme nous l’avons depuis appris, le ministère a une politique de « vie sobre », pour éviter que les diplomates vivent dans des endroits qui pourraient paraître trop luxueux aux yeux du public. Donc, chaque maison que nous allions trouver devrait être approuvée par le ministère. Le fait de ne pas avoir le mot final sur l’endroit où nous allions vivre pour quelques années était un nouveau concept pour moi et me faisait peur, parce que je ne me sentais pas en contrôle. Pour moi, une maison est une chose tellement personnelle et ça peut impacter toute l’expérience dans un pays. Ça commençait à me donner de l’anxiété.

Les semaines passaient et il semblait impossible de trouver quelque chose dans le budget, qui respectait aussi les 4 pages de critères du ministère, principalement concernant la durabilité et sécurité. Chaque maison ou appartement était pire que la précédente. Aussi, plusieurs maisons sont construites de façon magnifique, mais ne sont malheureusement pas entretenues par les propriétaires, les laissant dans un piteux état. Nous étions découragés. Nous ne demandions pas un château, juste quelque chose qui ne tombait pas complètement en ruines.

Après quelques semaines, je suis finalement tombée sur l’appartement PARFAIT. C’était un prix tout-inclus, voulant dire que le prix incluait des choses qui étaient obligatoires pour nous de toute façon, tel qu’un groupe électrogène, un réservoir d’eau et un agent de sécurité 24h/24. Avec ces coûts déjà inclus, ça revenait au même montant que de prendre une maison seule et d’ajouter tous ces coûts de sécurité additionnels, requis par l’ambassade. Nous étions tellement excités! Enfin, après des semaines, nous avions trouvé quelque chose.

Cette joie aura été de courte durée. Peu de temps après, nous avons été informés qu’en fait, combiner les coûts de base de la maison et les coûts de sécurité en un seul montant ne fontionne pas, puisque ça vient de budgets différents. Nous étions dévastés. Ça nous avait déjà pris 1.5 mois pour trouver une option potable et nous avions du attendre un autre 3 semaines pour avoir le refus officiel, semaines pendant lesquelles notre niveau de stress avait atteint un niveau assez élevé. Je ne pouvais pas croire qu’il n’y avait aucun moyen que ça fonctionne, puisque le total serait le même au final. Et ne pas être en mesure de comprendre la logique était la partie la plus difficile pour moi. Je peux déjà en entendre certains dire « ahhh c’est vraiment pas la fin du monde, il y a des choses pire que de ne pas avoir l’appartement que vous vouliez! ». Je suis parfaitement d’accord, mais ce n’est pas vraiment ce qui me dérangeait. C’était plutôt le fait de ne pas avoir de contrôle sur où nous allions vivre pour les prochaines années, ce qui était une première pour moi, en plus du fait que je ne m’y attendais pas. Et puis il y avait le fait que je ne pouvais pas du tout rationaliser le refus. Je me suis fait dire que je devais juste oublier l’idée d’avoir cet appartement et que parfois, dans cette vie, il y a des choses qu’on ne comprend pas, mais qu’on doit juste finir par accepter tout de même. Quand on est dans un nouveau pays, sans son support social habituel et dépassés par tout ce qui se passe, les choses peuvent prendre de plus grandes proportions dans notre tête. C’était devenu un sujet tellement émotif pour nous.

À ce stade-là, je ne me sentais juste pas en contrôle de ma vie. Il était là, ce sentiment que je voulais à tout point éviter lorsque nous hésitions à dire oui à la vie diplomatique (parce que c’était comme ça que je m’étais sentie pendant mon expérience aux Maldives, qui avait été légèrement traumatisante). J’étais fâchée, j’étais triste et j’étais épuisée. On vivait maintenant à l’hôtel depuis 2 mois (3 mois si on compte le mois à La Haye!), vivant encore dans nos valises, encore sans voiture pour se promener, sans notre conteneur, qui était constamment retardé, et encore sans permis de travail pour moi. Avant de vivre l’expérience, je pensais que j’adorerais vivre dans un hôtel pour plusieurs mois, mais disons qu’après 3 mois, on veut seulement être dans ses choses et ne pas vivre dans une valise. J’avais hâte de juste être installée et d’en avoir fini avec cette période transitoire.

Heureusement pour nous, environ au même moment, une jolie maison est devenue disponible à travers une agence d’expats. Est-ce que c’était notre maison de rêve? Pas du tout. Mais elle convenait amplement pour 2-3 ans. À ce stade-ci, on connaissait bien le marché local et on ne pensait pas trouver mieux dans le court terme. On était seulement soulagés qu’il y ait enfin une option convenable. On voulait juste s’installer et en avoir fini avec tout ça. Lorsqu’on a visité la maison, on a eu un assez bon feeling et on pouvait se visualiser en faire un chez-nous pour quelques années, donc nous avons dit oui. Celle-ci aura été vite approuvée, car elle correspondait aux budgets demandés parfaitement. Enfin, nous pouvions arrêter les recherches et commencer à imaginer notre vie ici, un énorme soulagement à ce stade-ci. On a finalement eu les clés de la maison le 22 novembre, presque 3 mois après notre arrivée à Cotonou (et 4 mois à vivre dans des hôtels).

S’installer dans notre nouvelle maison

Nous vivons maintenant dans notre maison depuis environ 4 mois. La période d’installation aura duré un bon 6 mois, avec des montagnes russes d’émotions intenses qui m’auront prise par surprise. Je savais qu’il y aurait des défis quand nous avons sauté dans cette nouvelle aventure, mais je n’aurais jamais pensé me sentir autant en manque de contrôle. J’aurais aimé que quelqu’un m’avertisse de certaines choses, ce qui m’aurait probablement aidée à gérer mes attentes. Mais, au final, je prends ça comme un bel apprentissage à amener avec nous lors que nos futures affectations dans d’autres pays. Ça m’aura définitivement fait travailler ma patience et ma résilience. Pour ceux qui idéalisent la vie diplomatique, ne soyez pas dupes. Ce chemin, comme les autres, vient avec sa quantité de surprises et de défis. Ils sont juste différents. Néanmoins, on se sent tout de même chanceux de s’être fait offrir cette opportunité et on ne regrette pas notre décision d’embarquer dans cette vie. Je pense qu’on a juste vécu une période d’ajustements qui était nécessaire pour gérer nos attentes pour le futur. Après cette expérience, je me sens optimiste que s’installer dans notre prochain pays sera un peu plus facile émotionnellement, en connaissant mieux le processus et sachant mieux comment gérer nos attentes.

Après avoir obtenu les clés de la maison, nous avons enfin reçu notre conteneur et défait nos boîtes. C’était un peu étrange de voir les meubles qui étaient dans notre appartement à Amsterdam au milieu de cette maison de style africain, mais c’était réconfortant d’être enfin dans nos choses. Bien sûr, comme toutes les maisons au Bénin, la nôtre est venue avec sa panoplie de problèmes: l’électricité n’était pas (et n’est toujours pas!) câblée correctement, donc le disjoncteur saute constamment, et notre pompe à eau ne fonctionnait pas correctement (en plus des coupures d’eau récurrentes dans la ville), donc nous étions parfois des jours sans eau, à se laver avec de l’eau en bouteille. Puis, nous avons aussi découvert qu’il y avait des trous dans les murs et autour des fenêtres qui faisaient en sorte que l’eau rentrait dans la maison lorsqu’il pleuvait et, lors de nos premiers mois dans la maison, le chauffe-eau a brisé, la toilette a brisé et les lourdes portes de garde-robes en bois ont commencé à nous tomber dessus (littéralement), car elles n’étaient pas bien installées. Et finalement, nous avons aussi rencontré nos nouveaux colocataires les araignées et coquerelles (cafards). Au début, on chantais « la cucarachaaa, la cucarachaaa » à chaque fois qu’on entrait dans la salle de bain (étant donné qu’elles préfèrent les endroits humides) pour rendre le tout moins dramatique et épeurant si nous tombions face à face avec une, mais on a finalement arrêté une fois qu’on a établi une stratégie efficace pour les éliminer sans s’empoisonner au Raid (une bouteille de spray avec de l’eau et du savon à vaisselle).

Avoir à dealer avec tous les problèmes de la maison m’ont amené au bord d’une dépression nerveuse. Plusieurs « professionnels » sont venus (électriciens, plombiers, vitriers, you name it!), arrivant des heures plus tard qu’entendu sans avertissement (s’ils arrivaient tout court…), puis me disant que le problème est réglé, simplement pour qu’il revienne quelques semaines plus tard. Je deal donc avec les mêmes problèmes encore et encore depuis 4 mois. Après m’être électrisée en touchant le grille-pain, l’équipe de gestion de la maison est finalement intervenue (il s’avèrait que l’électricité n’avait pas bien été mise en terre…). J’ai donc maintenant des nerfs endommagés dans mon bras et j’ai dû faire des prises de sans et un ECG pour s’assurer que mon coeur n’avait pas été impacté. C’est là que j’ai mis ma limite (ou pèté ma coche, comme on dit au Québec) et fait savoir très clairement à l’équipe de gestion que s’ils ne prenait pas la responsabilité de s’assurer que la maison était sécuritaire et en bon état en supervisant les travaux des professionnels qu’ils nous envoient, nous voulions déménager. Le seul problème, c’est que nous pourrions très bien déménager et se retrouver pris avec les mêmes problèmes ailleurs, ou pire.

Le système de santé à Cotonou

En 6 mois, j’aurai eu l’opportunité d’essayer plusieurs services de santé à Cotonou, croyez-le ou non.

Pendant notre visite au Canada pour les Fêtes, j’ai dû avoir une petite opération d’urgence pour un kyste qui empirait de jour en jour, une semaine avant de revenir à Cotonou. Je suis donc revenue au Bénin en boitant, avec deux étages de points de suture, incluant 15 points de suture qui devraient être enlevés une semaine plus tard. Je ne sais pas si c’est le voyage de 23 heures par Istanbul (vraiment moins cher que par Paris pendant les Fêtes!), l’humidité ou le sable amené par l’harmattan, mais dès que je suis revenue au Bénin, ma plaie s’est infectée.

J’ai donc dû trouver un dermatologue d’urgence pour m’aider, étant donné que la clinique médicale privée qui m’avait opérée à Montréal refusait de m’aider à distance (tout un service pour 1 500 CAD…). Ça me stressait un peu de faire le suivi de ma chirurgie ici, mais je n’avais pas vraiment d’autre option. Heureusement, j’ai trouvé une toute nouvelle clinique non loin de notre maison, qui avait l’air assez moderne, où la dermatologue a confirmé que ma plaie s’était en effet infectée. Elle me conseilla de prendre les antibiotiques qui m’avaient été prescrits à Montréal en cas de besoin et que j’avais amenés avec moi. Au même moment, il était temps d’enlever les points de sutures qui n’étaient pas fondants. Les infirmières de la clinique s’en sont chargé.

Quelques jours plus tard, je me suis retrouvée couverte d’urticaires, puisque je faisais une réaction allergique aux antibiotiques. La dermatologue locale m’a donc aidée d’urgence par Whatsapp pour contrôler la réaction, au lieu d’avoir à attendre des heures au sans-rendez-vous à la clinique pour une prescription. Je n’en revenais pas qu’elle m’aide comme ça par texto!

Une semaine plus tard, je me suis rendue à la clinique de nouveau pour mon rendez-vous de suivi avec la dermatologue, qui a remarqué que les infirmières avaient oublié d’enlever un des points de suture et que mon corps était en train de le rejeter (ce qui explique aussi pourquoi j’avais si mal). Heureusement, l’infection était disparue, mais ma peau était maintenant en train de former un énorme chéloïde. J’ai donc dû appliquer une collection de crèmes de tous genres pendant environ un mois. Je n’en pouvais plus de cette saga!

J’étais reconnaissante et rassurée d’avoir pu trouver un médecin en qui j’avais assez confiance ici. Je ne m’étais toutefois jamais sentie aussi vulnérable que d’avoir à faire face à toutes ces complications dans un pays où les soins de santé ne sont pas reconnus comme étant les plus avancés. Presque 3 mois après notre retour à Cotonou, j’ai maintenant presque fini ma convalescence (j’espère?) et je pourrai recommencer à aller à la piscine et faire du sport dans quelques semaines.

En plus de tout ça, tel que mentionné plus tôt, je me suis également électrifiée à la maison. Cette fois-ci, j’ai fait appel à MEDOM, un service de médecins à domicile qui m’avait été recommandé. En moins d’une heure, j’avais un médecin généraliste pour m’examiner et organiser le traitement, dans le confort de notre maison. Une demi-heure plus tard, un infirmier arrivait pour prendre des prises de sang avec tout son équipement. Il s’est assuré de me montrer que l’aiguille était stérile et scellée avant de l’utiliser, ce que j’ai apprécié. La même soirée, le cardiologue était chez nous avec tout l’équipement pour faire un ECG. J’ai vraiment été épatée par l’efficacité et le professionnalisme de ce service. Au cours des jours suivants, j’ai reçu quelques appels de MEDOM qui voulaient s’assurer que j’allais mieux (un peu trop d’appels à mon goût, mais j’apprécie leur préoccupation). Ils m’ont seulement envoyé la facture lorsqu’ils ont été certains que j’allais mieux. Et finalement, le médecin propriétaire du service m’a aussi appelée pour obtenir mes commentaires sur le service et savoir comment ils pourraient s’améliorer. Cette expérience m’a vraiment rassurée par rapport à de potentiels futurs problèmes de santé à Cotonou.

Pour terminer, j’ai aussi découvert une toute nouvelle clinique dentaire à Cotonou et, dans ce cas-ci également, ai eu une excellente expérience. Dr. Fatima Assani Agbanri est originaire du Bénin, mais a grandi, étudié et commencé sa carrière en France avant de revenir s’installer à Cotonou pour se rapprocher de sa famille et reconnecter avec ses racines. Elle a ouvert sa clinique il y a quelques mois, avec tout l’équipement moderne auquel j’étais habituée au Canada et en Europe, ce que je trouve également très rassurant.

Avoir accès à des soins de santé appropriés était l’une des craintes que j’avais avant de déménager au Bénin, m’étant fait raconter toutes sortes d’histoires, mais mes récentes expériences avec divers services médicaux ici ont été très rassurantes. Bien sûr, si jamais nous avions besoin d’une chirurgie, nous serions rapatriés en Europe, mais au moins les services de bases sont plus qu’acceptables.

La fin de la lune de miel

Après avoir vécu à Cotonou pendant maintenant 6 mois, ça m’a finalement frappée que j’allais devoir m’adapter à certaines choses qui ne fonctionnent pas de la façon à laquelle je suis habituée au lieu de me battre constamment (ou bien devenir folle!). Pendant que je dealais avec les problèmes de la maison et mes problèmes de santé, j’ai été confrontée à ce qu’on appelle « la fin de la lune de miel », qui se présente quand toutes les choses qui étaient tellement excitantes au début, qui me sortaient de ma zone de confort et m’apportaient cette adrénaline dont j’avais tant envie, se transforment en frustrations. Tu réalises que tu n’es pas ici que pour une courte période de temps, juste pour « essayer » la vie ici. Tu pognes un 2 menutes. Tu réalises que tu dois trouver des façons de t’adapter aux défis auxquels tu fais face dans ton nouveau pays d’accueil ou tu seras malheureuse pour le reste du temps qu’il te reste. Tu dois prendre sur toi, passer au travers de cette phase et trouver les plaisirs dans les petites choses. Maintenant que le choc est passé, j’ai maintenant fait la paix avec l’idée d’être ici pour quelques années et j’essaye de me concentrer sur les choses positives que la vie ici nous offre, tel qu’un mode de vie plus relax.

Donc voilà. Voici comment se sont déroulés les 6 premiers mois de notre vie au Bénin. Inutile de dire que ça aura été intense. Je mentirais si je disais que je trouve l’adaptation culturelle facile ici. Je suis vraiment hors de ma zone de confort cette fois-ci! Mais j’essaye de me rappeler les raisons qui nous ont fait dire oui à cette aventure en premier lieu. Notre but pour 2024 est de prendre ça relax, de profiter des bars de plage, de jouer au tennis au club local et de profiter du temps de qualité ensemble. Cette aventure en sera une des plus intéressantes, ça c’est sûr!

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1 Commentaire

  1. Johanne Donais
    mars 22, 2024 / 1:28 am

    Salut Marie Gil, je viens de terminer la lecture en deux temps de ton installation. Tu ne l’as pas facile, il faut aimer beaucoup pour vivre dans ces frustrations. Je te l’ai déjà dis commence à écrire un livre c’est très bien ecrit et très intéressant. J’ai hâte de lire ta prochaine nouvelle

    Bizou et câlin