En 2021, lorsque Daniel et moi avons décidé que ce soit moi qui déménage aux Pays-Bas pour donner une chance à notre relation, nous n’avions pas de plan précis. Daniel était en train de poursuivre un programme pour nouveaux gradués au gouvernement et en avait encore pour une année. Après? On verrait bien où la vie nous mènerait. C’était toujours dans nos plans de continuer à vivre dans d’autres pays, mais nous pensions rester au moins 3 ans aux Pays-Bas.
Cependant, nous ne pouvions pas imaginer que moins d’un an après mon arrivée à Amsterdam, il recevrait une offre d’emploi du Ministère des affaires étrangères, nous poussant à prendre une décision qui allait changer le reste de notre vie. Après une année haute en émotions, en péripéties et en périodes d’adaptation, nous étions finalement confortables dans notre vie à Amsterdam et avions enfin le temps d’en profiter un peu. Cette période de repos aura finalement été de courte durée…
Tel que mentionné, Daniel et moi savions que nous voulions continuer de vivre dans d’autres pays. Notre amour pour la vie à l’étranger est d’ailleurs l’une des choses qui nous a attirés chez l’autre. Cependant, lorsque le ministère approcha Daniel la première fois, c’était un pensez-y-bien. En effet, la vie diplomatique peut paraître comme une vie de rêve pour certains, mais il fallait se poser les bonnes questions. Étions-nous prêts à se faire envoyer dans n’importe quel pays pour des périodes de 4-5 ans sans avoir notre mot à dire? Nous pourrions autant tomber sur des destinations de rêves, que nous pourrions être envoyés dans des pays plus difficiles et dangereux. Étions-nous prêts à prendre le risque? Après mon expérience aux Maldives, je savais que je ne serais pas heureuse pour une longue période de temps dans un pays où les droits des femmes sont moindres ou inexistants. Puis, sachant que nous voulions fonder une famille un jour, étions-nous prêts à vivre cette vie avec nos futurs enfants? Étions-nous prêts à ce qu’ils grandissent autour du monde, sans pays d’appartenance et loin de leurs grands-parents?
Tout à coup, il fallait penser beaucoup plus loin dans notre futur, à ce qu’on veut vraiment et à comment on le visualise. Oui, la vie diplomatique a ses nombreux avantages, mais à quel prix? Les gens ont souvent une image idéalisée qui ne reflète pas les sacrifices nécessaires. Après reflexion, nous avons décidé que ce n’était pas le bon moment. Je parle ici au “nous”, puisque bien que ce soit la carrière de Daniel, c’est un choix de vie qui me concerne également et qui aura un impact non seulement sur ma carrière, mais sur ma vie entière aussi. Daniel m’avait clairement fait savoir que sa priorité était notre relation et qu’il n’accepterait cette offre si j’étais certaine à 100% que c’est la vie que je souhaite et que c’était autant ma décision que la sienne. À ce stade-ci, je n’étais pas prête à prendre le risque de me retrouver dans des pays où je serais malheureuse et Daniel comprenait parfaitement. Nous avons donc tourné la page sur cette option et avons continué de bâtir notre vie à Amsterdam, nous disant qu’on choisirait ensemble notre prochaine expatriation quand le temps serait venu.
Cependant, quelques mois plus tard, l’opportunité se présenta à nouveau, cette fois offrant plus de flexibilité sur les affectations à l’étranger. Notre position était claire: nous voulions avoir un mot à dire sur les destinations où nous serions envoyés. Nous savions très bien que ce n’est généralement pas comme ça que cela fonctionne en diplomatie, mais c’était notre condition. À notre plus grande surprise, le ministère nous assura que nous pourrions appliquer directement sur les postes dans les destinations qui nous intéressent et simplement retourner aux Pays-Bas dans l’éventualité où rien ne nous conviendrait. Ça nous a complètement pris par surprise (positivement!). Nous avons donc repris les réflexions avec cette nouvelle information. Daniel savait que ce travail l’intéressait, ce n’était même pas une question. Cette carrière était son rêve d’enfant. C’est plutôt au niveau mode de vie qu’il fallait se questionner.
Au cours de nos réflexions, nous avons réalisé que notre rêve de vivre autour du monde ne serait peut-être pas si facile à réaliser par nous-même. On ne peut pas se réveiller un matin et décider de partir vivre en Nouvelle-Zélande par exemple. Ça prend un visa de travail qu’il est difficile à obtenir, surtout pour deux personnes en même temps, et sans compter que nous sommes de deux nationalités différentes, ce qui peut compliquer la chose. Puis, déménager à l’international n’est pas sans coût… La vie diplomatique nous permettrait donc de vivre cette vie sans se ruiner. Ensuite, ayant la possibilité d’appliquer directement sur les postes (et donc les destinations) qui nous intéressent, ça nous enlevait une grosse partie de l’inquiétude de vivre dans un pays avec des conditions qui ne nous intéressent pas. Bien sûr, l’expérience à destination est ce qu’on en fait et il faut garder une ouverture d’esprit, mais nous savions d’emblée qu’il y avait certaines situations précises dans lesquelles nous trouverions difficile de vivre pour une aussi longue période.
Après quelques semaines de réflexions, nous avons rendu notre décision: nous acceptions de joindre le parcours diplomatique des Pays-Bas. Il était convenu que ce parcours commencerait avec 2 ans au Ministère des affaires étrangères à La Haye pour laisser le temps à Daniel d’apprendre le travail, ainsi qu’une 3e langue et être prêt à partir pour sa première affectation. Cependant, environ 1 mois plus tard, le ministère nous contacta à nouveau pour nous faire part qu’il leur manquait des diplomates dans 6 pays d’Afrique et que, si nous le souhaitions, nous pourrions partir pour une première affectation cet été déjà. Les 6 pays étaient: Kenya, Tanzanie, Maroc, Tunisie, Éthiopie et Bénin. Nous nous sommes donc mis sur les recherches Google à fond pour essayer d’en apprendre plus sur la vie dans ces pays, tous les deux n’ayant jamais mis les pieds en Afrique auparavant. Daniel n’ayant pas encore officiellement commencé son nouveau poste, le ministère devait bien sûr prioriser les applications de candidats déjà employés, mais ils voulaient avoir une idée de notre intérêt entre temps, au cas où personne n’appliquerait. Après nos recherches, nous avons dit oui au Kenya, Tanzanie et Tunisie.
Lorsque Daniel commença son nouvel emploi au ministère quelques mois plus tard, il eu finalement des nouvelles sur si nous partions. Malheureusement, les 3 postes pour lesquels nous avions dit oui avaient été comblés entre temps. Cependant, le Bénin demeurait une option et l’ambassade cherchait exactement quelqu’un avec le profil de Daniel. C’était un nouveau poste, qui se veut être un poste de formation pour les nouveaux diplomates. L’affection serait aussi donc seulement de 2-3 ans, qui est plus court qu’à l’ordinaire. Nous avions initialement dit non, car il était difficile pour nous de visualiser une vie à Cotonou, la ville où nous serions basés. Il y avait tellement peu d’informations en ligne sur cette destination très peu touristique qu’il était difficile de se faire une idée de si c’était un endroit dans lequel nous pourrions être heureux. Nous avons donc contacté plusieurs personnes sur des groupes d’expats et avons eu des conversations avec l’ambassade des Pays-Bas et le bureau de l’ambassade du Canada (pour que je puisse parler à quelqu’un qui aurait peut-être les mêmes références que moi!). Après ces discussions, nous nous sentions assez rassurés.
Après 1.5 ans de vie assez intense à Amsterdam, la vie dans une plus petite ville où la vie est plus relaxe, au Bénin, était exactement ce dont nous avions besoin. Puis, étant donné que nous pensions fonder une famille dans quelques années, nous nous sommes dit que si nous voulions vivre cette expérience en Afrique de l’Ouest, ce serait maintenant ou probablement beaucoup plus tard dans notre vie. Et donc, nous nous sommes lancés. En avril 2023, nous avons reçu la confirmation que nous partions et commençait alors la longue liste de choses à faire avant de partir. Nous avons finalement quitté les Pays-Bas à la fin août vers notre nouvelle aventure… le Bénin!